Excideuil, 1500 ans d’histoire
Son château imposant et le clocher spécifique de son église en sont les emblèmes. Ce sont d’ailleurs les premiers monuments que vous verrez de très loin.
Un peu d’histoire…. En 572, Aredius, religieux français (qui donna son futur nom à la ville d’Attane : Saint Yrieix la Perche, dont les habitants se nomment les Arédiens) cite Excidolium, une cité médiévale, dans son testament. C’est à ce jour le texte le plus ancien faisant mention de cette cité qui deviendra Excideuil, et sans doute à ce titre un des noms de ville le plus ancien du Périgord.
Excidolium devient Issidor en 1100, puis en 1725: Excideuilh, pour devenir l’Excideuil d’aujourd’hui. Mais qui est-elle, cette Excideuil d’aujourd’hui ?
En se promenant dans ses rues et ruelles, vous êtes habités de sentiments très contraires. Tout d’abord, sur un premier passage, sans y prêter trop attention, vous ne voyez pas le trésor architectural qui est sous vos yeux.
Contrairement à Sarlat, où les vieilles pierres sont à l’honneur, Excideuil les a cachés sous des architectures différentes, qui ont subi des générations d’habitants qui ont vécu ici.
Ce n’est pas une ville musée, quelquefois elle peut même paraître « quelconque », si on peut qualifier ainsi les villes du Périgord qui ont toutes un même charme occitan.
Il faut alors prendre le temps de flâner pour enfin comprendre et appréhender la ville et la richesse cachée de son patrimoine : la chapelle centrale du cimetière, ornée de gargouilles, l’hôpital et sa chapelle, l’ancienne sacristie, seul vestige du couvent des Cordeliers, la commanderie des Templiers, la commanderie de Saint-Antoine, l’hôtel de Vendeuil du XVIIIe siècle, la halle, la mairie implantée sur une partie de l’ancien couvent des Clarisses de 1642…
Ce mélange passé-présent mal assumé se retrouve en son Eglise Saint-Thomas, une église romane modifiée au XVe siècle, (il ne reste de l’imposante Eglise Saint François -50 mètres de long sur 10 mètres de large- que les vestiges de la sacristie) mais avec un clocher moderne qui lui donne un air… baroque ?
Il en est de même avec le château : depuis les premières pierres posées en 1100 le château a subi des rénovations de ci de là, des outrages du temps aux ravages des guerres, ce qui en donne un résultat assez surprenant. Ne lui ôtons pas ses atours : il est imposant, et c’est très agréable d’y porter nos pas de chalands vagabonds. Avec cette ironie citoyenne : d’un côté, la partie orientale du château est privée (logis et donjon). Rénovée fin des années 70 par son ancien propriétaire (famille Naudet) et non visitable (sauf pendant les jours de visite guidée des extérieurs en été), cette partie du château a été rachetée en 2015 par la famille Van Der Bruggen, l’inventeur des jeux Kapla. D’un autre côté, la partie publique, propriété de la commune d’Excideuil, est accessible en visite libre (la cour, les salles de garde et d’exposition, la salle de spectacle dont le cinéma itinérant).
A Excideuil, l’Histoire de France a gravé sa marque au fer rouge, à lire entre les pierres de la vie du château. Prière de ne pas rapporter les pierres chez soi pour continuer la lecture s’il-vous-plait. Merci.
Construit dès les années 1100, et déjà attaqué en 1182 (3 sièges) et 1184 par les troupes anglaises, avec à leur tête le roi au nom d’un camembert, Richard Cœur de Lion. Le château résiste à ces assauts, mais le bourg d’Excideuil a souffert de ces conflits en subissant pillages et destructions systématiques. Un peu comme Alep de nos jours, pour ceux qui souffrent de comparaisons contemporaines, sauf que là, l’ONU n’existait pas.
Quelques massacres plus tard, en 1199, suite à la trahison du vicomte de Limoges Adémar V, dont ni vous ni moi n’avons jamais entendu parler mais bon, si l’Histoire le dit, Jean sans Terre se rendit maître de plusieurs châteaux de la vicomté. Il pouvait dès lors changer son nom en Jean-les-châteaux, sans passer par le notaire semble-t-il, c’est dire s’il y avait à cette époque des facilités bien oubliées de nos jours…
C’est le vicomte Gui V, en 1211, environ, qui put récupérer les châteaux d’Aixe, Châlucet, Thiviers et Excideuil. Le proverbe est juste: faute avouée est bien vite pardonnée.
Faits extraordinaires pour Excideuil : en 1303, c’est le roi de France Philippe le Bel qui visite le château, et en 1304 le futur pape Clément V. Bien sûr, ça n’a pas fait la Une de Sud-Ouest, qui n’existait pas à l’époque, et il est vrai que dans un article sur cette brillante cité ces visites ont moins de tonus que : « Barack Obama à Excideuil » ou « le Pape François bénit ses fidèles sur les remparts du château d’Excideuil ». Mais bon, au début du XIVè siècle c’était l’équivalent, vous êtes priés de me croire.
La Dordogne est aimée des anglais, c’est un fait historique. Lors de la guerre de Cent Ans, qui ne fut pas une guerre et ne dura pas cent ans, le château d’Excideuil, massacres à l’appui, fut soumis à de graves crises de conscience sur son identité: était-il anglais ou français ? français, après avoir résisté à un assaut en 1346; anglais, de 1351 à 1356; français en 1356; rendu aux anglais en 1360, en application du traité de Brétigny; français, quand il est repris par les troupes de Du Guesclin en 1370. Tou ça pour finir hollandais de nos jours…
Bon, ne le cachons pas: pour la population, tous ces revirements ne furent qu’une suite de souffrances. Même si les hommes, et surtout les femmes, se plaignaient beaucoup moins qu’aujourd’hui, comme quoi la Révolution française a tué de belles valeurs, le roi Louis XI en 1482 octroie, si si, des lettres patentes dispensant les habitants de la Taille.
Un point s’impose : la Taille n’est pas un règlement mis en place par un ancien président souffrant du complexe du nanisme, elle ne concerne pas non plus la haie du voisin qui envahit votre jardin et lui ne fait rien, pourtant il est anglais comme quoi les dictons disent n’importent quoi. Non, la Taille est un gentil impôt, très sympathique comme le CRDS aujourd’hui, et qui est tout sauf un ISF -Impôt Sur la Fortune- car lui, ah ah c’est hilarant, ne concerne pas les bourgeois, ni le clergé ni la noblesse. Mais qui reste-t-il alors pour le payer ? je vous laisse réfléchir quelques instants, mais voyez-vous : en matière d’impôts, on n’a rien inventé depuis 1500 ans…
Je m’égare. Donc, je cite Louis XI, qui écrit sur son blog de l’époque, que l’on appelait une lettre patente : « « en considération de leur signalés services » et pour les dédommager « de la destruction de leur ville incendiée par les guerres que les ennemis de la France firent anciennement et leur faciliter les moyens de la rebâtir », les habitants d’Excideuil ne paient plus la taille. Le Monaco de l’époque, en quelque sorte.
L’humour ne se disputant plus entre les rois, vinrent alors les guerres de religion, et le jeu pratiqué par français et anglais ayant fait des envieux, ce sont les catholiques et les protestants qui se l’approprièrent ; catholique : avec Jeanne d’Albret, du comté de Limoges; protestant, en 1574; catholique, en 1575. Des prises et reprises, dont les populations du bourg furent encore les victimes innombrables et anonymes. Ce n’est pas grave, Dieu reconnaîtra les siens disait-on dans les fosses communes, même si quelques autopsies furent difficiles, eh oui la guerre était déjà chirurgicale en ce temps-là, mais la médecine n’était pas trop évoluée il faut bien le dire.
Que faisiez-vous en 1582? Si vous viviez du côté d’Excideuil, vous savez donc qu’à l’époque le propriétaire, c’est-à-dire le vicomte de Limoges, n’est autre qu’Henri III de Navarre, le futur roi Henri IV. Mais il faut croire que c’est un fardeau trop lourd à porter pour lui : il vend la châtellenie d’Excideuil en 1582 au comte François de Pérusse des Cars.
C’est un nom pas facile à porter aujourd’hui, sauf dans la haute société, et s’il prête plutôt à sourire il ne faut pas se moquer. En effet, depuis cette vente nous entrons directement dans l’âge d’or du Château, alors transformé en résidence. La fille de la comtesse des Cars se marie alors avec un courtisan royal, Daniel de Talleyrand, et transfère la propriété à la famille du prince de Chalais. La baronnie est alors érigée en marquisat en 1613. Un numéro spécial de Stéphane Bern ne manquera pas j’en suis sûr de revenir sur cette histoire remarquable.
Malheureusement, on ne peut vivre à la fois à la cour, à Paris et à Excideuil. Le TGV n’existait pas à l’époque, ni les jets privés, ne l’oublions pas. Que croyez-vous qu’il arriva ? Le château d’Excideuil fut dès lors délaissé par ses nouveaux propriétaires, qui transfèrent les objets et mobiliers de valeur dans leur château de Chalais, en Charente, ce qui n’est guère plus près de Paris vous en conviendrez mais bon, ce sont les dernières heures en carosse les plus dures parait-il.
Le château se dégrade. Pendant 300 ans. On l’oublie, même la révolution française ne s’occupe pas de lui, c’est dire. Ces trois cent ans d’abandon lui ont fait plus de mal que les troupes assiégeantes. En 1973, un incendie ravage les toitures du châtelet d’entrée.
Au final il ne sera réhabilité par des fonds privés que vers la fin des années 1970.
Il semble que le domaine public ne s’y soit pas intéressé lui-même, malgré l’inscription du château au titre des monuments historiques depuis le 6 janvier 1927… Il semble même que la mairie ne s’en soit jamais occupé. Il semble même que la municipalité n’a toujours pas vu ce magnifique château à l’entrée de la commune. Il semble même que, trop occupés à avoir le nez baissé sur leur destinée propre plutôt que sur celle de leur patrimoine, plusieurs générations de maires ont oublié de lever la tête, pour admirer ce chef d’oeuvre. Il semble même que, le regard visé sur la région ou le département, ils en souffrent de presbytie et ne peuvent plus voir de près.
Excideuil, et les ravages du temps…
Excideuil, bien dans son temp, malheureusement, avec toutes ces pancartes A VENDRE présentes un peu partout en ville aujourd’hui : la crise économique est passée par là, et si le tourisme aide ce territoire à ne pas sombrer, il n’en est pas le moteur de la reprise aujourd’hui. A espérer une politique locale qui aille en ce sens, ce joyau caché du Périgord en aurait bien besoin.
J’entends lors de mes promenades des murmures, ceux d’Aredius me suppliant de ne pas oublier; des cris, des plaintes, ceux des habitants massacrés à travers les âges, me suppliant de ne pas oublier; des prières, celles de Clément V venu bénir les lieux, des soldtas de Dieu qui moururent pour ce lieu, qui me supplient de ne pas oublier; j’entends le cliquetis des armures, des rois Richard coeur de Lion, Philippe le Bel et Henri IV, du chevalier Du Guesclin, des Vicomtes de Limoges, qui ont vibré ici, et nous supplient de ne pas oublier.
Et j’entends un souffle, long comme un râle, rauque comme un déchirement, le souffle de l’oubli….
Pour vos visites sur Excideuil, le jeudi profitez-en c’est jour de marché : c’est l’occasion de s’en aller flâner. Laissez-vous attirer par les bancs municipaux, dont la plupart sont ornés de poèmes, certains inspirés par Giraut de Bornelh, troubadour (d’après Dante, le plus grand troubadour ayant existé après Arnaut Daniel, si fameux que ses contemporains l’appelaient le maître des troubadours) qui a vécu et est mort à Excideuil en 1215 … La cité scolaire porte aujourd’hui son nom.
Allez, un petit peu de culture avec une version du célèbre Reis Glorios de Guiraut de Borneilh. Pour les puristes, l’enregistrement n’est pas d’époque….
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